Corpoworking : Quand ma boîte vient à moi

iconeExtrait du magazine n°503

Des bureaux labellisés Action Logement se développent en Occitanie. Leur particularité ? Rapprocher une entreprise du lieu de vie de ses salariés tout en leur permettant de se retrouver entre collègues. Visite guidée de cette expérimentation aux multiples vertus.

Par Claire Nillus— Publié le 03/05/2024 à 09h00

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Comment télétravailler à cinquante kilomètres d’une grande métropole, s’épargner des trajets longs, coûteux, fatigants et gros émetteurs de CO2 sans se retrouver seul chez soi ? Impossible, à première vue.

Pourtant, au sein du Comité régional Action Logement (Cral) d’Occitanie, l’idée a fait son chemin. Depuis le début de l’année, des tiers-lieux d’un genre nouveau, situés dans le centre de Toulouse et sa première couronne, permettent désormais de faire le lien entre toutes ces propositions. Issu d’un dialogue entre les partenaires sociaux, qui gèrent Action Logement, le concept repose sur un changement de paradigme : rapprocher le travail du lieu de résidence des salariés.

«La réflexion a commencé au moment des gilets jaunes et le casse-tête des trajets pendulaires. Il fallait redonner du pouvoir d’achat aux salariés d’une part, décarboner les transports du quotidien d’autre part, dans un contexte de crise du logement. Puis est arrivée la pandémie, et avec elle l’extension du télétravail et ses effets inégalitaires pour les télétravailleurs mal logés. Alors, depuis quatre ans, nous avons croisé des centaines de données en provenance des employeurs et des collectivités pour imaginer des solutions», explique Michaël Pinault, mandaté CFDT au sein du Cral d’Occitanie.

De là est né le concept de corpoworking, contraction de corporate et coworking: une offre de bureaux à disposition des employeurs à quinze minutes au maximum par les transports en commun ou en voiture du domicile des salariés.

“Un représentant du personnel ne peut pas rencontrer un salarié chez lui ; dans un espace de corpoworking, si.”

Michaël Pinault, mandaté CFDT au sein du Cral d’Occitanie.

«Pour éviter les doublons et les surcoûts redoutés par les employeurs, nous avons mesuré avec eux les effets de ces tiers-lieux sur les locaux laissés vacants aux sièges. Notre objectif étant de leur proposer un produit abordable qui assure un continuum avec leurs salariés», explique à son tour Pierre Souloumiac, directeur régional adjoint chez Action Logement Services.

Au moins 50% des acahts de mobilier doivent provenir de la seconde main et effectués dans un rayon de 300 km.
Au moins 50% des acahts de mobilier doivent provenir de la seconde main et effectués dans un rayon de 300 km.© DR

Petit à petit, le cahier des charges s’est précisé. Il est proposé aux entreprises de contractualiser ce service deux à trois jours par semaine dans des lieux qui doivent garantir l’amélioration des conditions de vie et de travail pour les «corpoworkers». Et cela passe aussi par une place accordée aux organisations syndicales.

« Un représentant du personnel ne peut pas rencontrer un salarié chez lui ; dans un espace de corpoworking, si », souligne Michaël Pinault. « C’est un des critères exigés par Action Logement, organisme paritaire. Les espaces doivent faciliter la pratique syndicale, permettre les tournées des militants et mettre à disposition un local fermé pour pouvoir échanger avec les salariés. »

Par ailleurs, ces lieux doivent être éco-conçus, la priorité étant donnée à la rénovation du bâti existant, et ce, « plutôt dans un village qui se revitalise que dans une zone d’activité qui dépérit ». Le respect du cahier des charges par les propriétaires et exploitants de ces tiers-lieux conditionne le soutien financier d’Action Logement.          

Du neuf dans de l’ancien

Le premier espace (74places de corpoworking) a ouvert à Toulouse même, début2024, dans les Halles de la Cartoucherie où se trouvaient d’anciens ateliers industriels. Dans cet ensemble de 13500mètres carrés, on peut aussi faire ses courses (épiceries, librairie), déjeuner et dîner (bars, restaurants…), participer à des activités sportives (escalade, squash, fitness) ou voir un spectacle. «Nous organisons des rencontres et des temps de convivialité pour les corpoworkers. Nous voulons qu’ils puissent trouver ici une communauté stimulante et mieux vivre le télétravail», ajoute Pauline Pichot, chargée de l’animation et de la commercialisation du lieu.

Deux mois plus tard, à la Cité internationale, autre ensemble emblématique de «la ville rose», un deuxième lieu propose en plein Toulouse une centaine de places aux entreprises intéressées. En avril, il était rempli à 54% les mercredis et vendredis surtout, mais pas seulement. «C’est notre bureau quand nous ne sommes pas chez nous», affirment les jeunes salariés qui occupent cinq postes ici depuis leur embauche il y a quelques mois dans une société d’informatique.

L’ancienne usine de foie gras de la commune gersoise proposera bientôt 82 postes de travail sur une surface de 850 mètres carrés, à quarante-cinq minutes de Toulouse.
L’ancienne usine de foie gras de la commune gersoise proposera bientôt 82 postes de travail sur une surface de 850 mètres carrés, à quarante-cinq minutes de Toulouse.DR

L’expérimentation se poursuit en pleine campagne, à Gimont, commune gersoise de 3100habitants à quarante-cinq minutes en voiture de Toulouse. À cinq minutes à pied du centre-bourg et sa magnifique halle du xiiiesiècle, une ancienne usine de foie gras achève sa mue et offrira dans quelques semaines 82postes de travail sur 850mètres carrés de bureaux. Franck Villeneuve, le maire, a tout de suite adhéré au projet: «Notre ville mérite que des jeunes s’y installent; pour cela, nous devons nous diversifier et accueillir de nouvelles entreprises. Nous avons la fibre, une gare, des commerces et des services. Inutile d’aller jusqu’à Toulouse pour bénéficier de bureaux adaptés.»

De même, un nouveau projet va être implanté l’été prochain dans une gendarmerie désaffectée à Léguevin en Haute-Garonne (9 000 habitants), un autre est prévu à Saverdun dans l’Ariège (4 700 habitants), dans une ancienne imprimerie. « Notre but ne consiste pas uniquement à aménager des bureaux, nous souhaitons accompagner les mutations qui traversent le monde du travail et les inscrire dans les territoires », indique Pierre Souloumiac, d’Action Logement. Entre tradition et modernité.