Fierté orange

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iconeExtrait de l’hebdo n°3879

Après une mobilisation exceptionnelle contre la réforme des retraites, ce 21 juin était l’occasion de tirer les premiers enseignements de ce mouvement inédit. Que nous apprend-il sur le syndicalisme, sur les enjeux sociaux et démocratiques de la période ? Une table ronde a réuni quatre intervenants pour en débattre : Dominique Méda, Gilles Finchelstein, Christophe Robert et Laure Nicolaï, secrétaire générale de l’URI Bourgogne-Franche-Comté.

Par Claire Nillus— Publié le 22/06/2023 à 12h00 et mis à jour le 22/06/2023 à 13h03

De gauche à droite : Jérôme Citron, journaliste CFDT animateur de la table ronde du matin, Dominique Méda, Gilles Finchelstein, Laure Nicolaï et Christophe Robert.
De gauche à droite : Jérôme Citron, journaliste CFDT animateur de la table ronde du matin, Dominique Méda, Gilles Finchelstein, Laure Nicolaï et Christophe Robert.© Joseph Melin

Des personnes qui ont manifesté pour la première fois de leur vie, quatorze journées de mobilisations de janvier à juin dans près de 250 villes en France. Et, partout, cette même colère exprimée contre une réforme injuste. Partout, ce même sentiment de ne pas être écouté. « Est-ce étonnant ? Sans doute pas », dit Gilles Finchelstein, secrétaire général de la Fondation Jean-Jaurès, selon qui le plus étonnant a été la surdité du gouvernement. « Est-ce historique ? Assurément. » Pour le secrétaire général de la Fondation Jean-Jaurès, les manifestants ont montré qu’ils ne voulaient pas se résigner, qu’ils refusaient la violence en défilant dans des cortèges « joyeux et pacifiques », qu’ils voulaient remettre au centre du débat la question du travail ainsi que la nécessaire modernisation de notre démocratie.

1. Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques.

Ce fut également « la possibilité d’un collectif », affirme Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre : ces mobilisations étaient celles de la CFDT et de toutes les organisations syndicales qui ont offert un cadre donnant à voir des carrières hachées, de la pénibilité, des travailleurs fatigués, précarisés ou ubérisés, rassemblés dans un seul mouvement. Cette mobilisation est bien une « crise du travail », développe Dominique Méda, professeure de sociologie. Depuis 1978, les enquêtes de la Dares1 montrent la continuelle intensification du travail et la dégradation des conditions de son exercice. « La dernière enquête révèle que 37 % des actifs jugent leur travail “insoutenable”. La France est parmi les pires pays d’Europe sur la question de la pénibilité et championne en matière d’accidents du travail, détaille la sociologue. Il y a un véritable malaise sur le travail dans notre pays. »

Faire de ce mouvement une force

Et maintenant ? C’est le moment de « transformer nos inquiétudes en pouvoir d’agir », déclare Christophe Robert. Le porte-parole du Pacte du pouvoir de vivre rappelle d’ailleurs qu’une école du Pacte va être créée à la rentrée pour que tous ceux qui souhaitent se former sur les enjeux sociaux, écologiques et démocratiques dans leurs territoires puissent le faire. L’idée est d’embarquer le plus de monde possible afin de co-construire un projet de société « désirable ».

« Rien n’est inéluctable. Il ne faut pas s’habituer à l’idée que nous avons perdu la bataille politique, notamment face à l’extrême droite », estime Gilles Finchelstein, dont la fondation publiera prochainement l’enquête « La société idéale des Français » et de nouvelles pistes de réflexion. Le gouvernement va-t-il changer de méthode ? Impossible à dire. Mais, au-delà du paradoxe de n’avoir pas été entendus, l’enquête Kantar (publiée le 21 juin) indique que la confiance des travailleurs dans les syndicats pour défendre leurs intérêts au sein de leurs entreprises et administrations continue de se renforcer jusqu’à « un niveau jamais atteint » – et que la confiance dans la CFDT pour défendre des acquis sociaux, instaurer un dialogue social et conquérir de nouveaux droits atteint « un niveau jamais observé ».

À propos de l'auteur

Claire Nillus
Journaliste

« Ce que je retiens de cette mobilisation, abonde Laure Nicolaï, la secrétaire générale de la CFDT-Bourgogne-Franche-Comté, c’est un mouvement lumineux et la fierté orange qui se dégageait des cortèges. On s’est sentis forts. La CFDT a montré qu’elle est en phase avec la réalité. Nous avons retrouvé le moral ! »