“Le coût en vaut-il le coup ?”

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L’emploi en jeux

Professeur honoraire à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et président du Conseil scientifique de l’observatoire de l’économie du sport, rattaché au ministère des Sports.

Par Guillaume Lefèvre— Publié le 01/03/2024 à 10h00

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Les Jeux ont-ils un impact économique ?

Il est minime et toujours largement surestimé. Les Jeux représentent environ 1 % du PIB de l’Île-de-France. Si on le rapporte au pays, c’est 0,1 % du PIB français. Un millième. Ce n’est pas très important.

Et sur l’emploi ?

C’est la même chose. Surtout en ce qui concerne l’emploi pérenne. Il faut avoir en tête que les emplois qui auront été créés d’un côté pourront être perdus de l’autre. C’est ce qu’on appelle l’effet de substitution. Athènes, en 2004, avait accueilli moins de touristes que les années précédentes, les musées avaient enregistré moins de visites… Mais la question des Jeux ne se résume pas à l’emploi. D’une manière générale, pour connaître l’impact des Jeux, il faut évaluer le bénéfice social net.

Pouvez-vous développer ?

Il s’agit de mesurer le rapport coût-avantages pour l’ensemble de la société sur le long terme. Qu’apporte l’accueil des Jeux à la France en termes de recettes fiscales ? Aux travailleurs en matière de formation et de compétences ? Autrement dit, le coût en vaut-il le coup ? C’est la question de l’héritage. Il y aura un héritage tangible, les équipements sportifs qui pourront être utilisés par les habitants. Et il y a l’héritage intangible. Les Jeux auront un impact positif sur l’image de la Seine-Saint-Denis. La dépollution de la Seine aura des effets positifs à long terme. Un emploi, même de courte durée, contribuera au parcours d’emploi et d’insertion d’une personne qui en a longtemps été éloignée.

Vous parlez régulièrement de la « malédiction du gagnant de l’enchère ». De quoi s’agit-il ?

Pour faire simple, on gagne l’enchère mais on perd de l’argent. Aucun des participants ne connaît le coût financier effectif de l’évènement ni sa valeur réelle. Mais peu importe, puisque tout le monde veut « l’objet JO ». C’est le prix du prestige. Le Comité international olympique l’a bien compris. Il fait monter les enchères, fait pression sur les villes, et c’est celui qui surenchérit le plus qui l’emporte, et qui souvent soumet le projet au coût le plus faible. Les villes candidates ont donc tendance à sous-estimer, volontairement, certaines dépenses pour obtenir les Jeux.

Tous les Jeux olympiques ont coûté plus cher que ce qui était prévu au départ… sauf ceux de Los Angeles, en 1984, parce qu’il n’y avait qu’un seul candidat. En 2016, à Rio, le budget est passé de 14 milliards à 33 milliards de dollars (+ 136 %). Il a plus que doublé à Londres, en 2012, passant de 4,8 à 10,9 milliards de dollars (+ 127 %), et ce, parce que les coûts de la sécurité n’avaient pas été intégrés. Même constat à Athènes (+ 109 %) ou à Barcelone, en 1992 (+ 156 %).

Les JO de Paris seront-ils l’exception ?

Il y aura sûrement un dépassement, peut-être moindre que d’habitude, puisque le CIO a annoncé simultanément l’attribution des Jeux 2024 à Paris et ceux de 2028 à Los Angeles. Attention, cela ne veut toutefois pas dire que les Jeux seront forcément déficitaires. Les coûts supplémentaires pourront être compensés par le prix des billets ou par la réutilisation ultérieure des équipements sportifs, par exemple.