Au Centre hospitalier d’Amiens, la stratégie du rebond

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iconeExtrait de l’hebdo n°3917

Lors des élections professionnelles de décembre 2022, la section est passée de la deuxième à la quatrième place… en progressant. Passée la déception, les militants orange ont pris du recul et dressé un bilan sans concession. Ils ont désormais le regard tourné vers 2026.

Par Guillaume Lefèvre— Publié le 23/04/2024 à 12h00

En juin 2023, lors du congrès du Syndicat Santé-Sociaux de la Somme…
En juin 2023, lors du congrès du Syndicat Santé-Sociaux de la Somme…© DR

Seize voix d’écart avec l’Unsa, deuxième ; quatre avec la CGT, troisième – autant dire que les organisations syndicales se trouvent un peu comme dans un mouchoir de poche. Malheureusement à la défaveur de la CFDT, qui termine à la quatrième place du dernier scrutin en date. Un verdict cruel pour la section du Centre hospitalier (CH) d’Amiens, jusque-là deuxième OS au sein de cet établissement de 6 500 agents. « Je n’y croyais pas. Je suis tombée de haut, confie Caroline Floury, infirmière et militante CFDT depuis 2010. Nous avions le sentiment d’avoir fait le job… et de ne pas être récompensés. » Un résultat d’autant plus difficile à encaisser que la CFDT progresse en nombre de voix et en pourcentage (0,26 %) par rapport aux élections de 2018. FO, de son côté, a vu son capital fondre de 10 points, passant de 48 % à 38 %. Désormais, au comité social d’établissement (CSE), l’Unsa, la CGT et la CFDT comptent chacune trois sièges (et six pour FO).

Un travail de remise en question

« Ça n’a pas été facile à accepter, même si les écarts sont minimes. En termes d’affichage, on est quand même quatrième », concède Karine Mequinion, secrétaire de la section du CH depuis deux ans. Aussi fallait-il que la section effectue un travail d’analyse, de « remise en question », concède-t-elle. « Dans les services où la participation est la plus élevée, nous n’avons pas été bons ; dans ceux où elle a été faible, nous n’avons pas su convaincre nos collègues de se déplacer. » De fait, la participation a péniblement dépassé les 30 % (31,93 % exactement). Autre grand regret de la section : tous les adhérents n’ont pas voté. « C’est d’autant plus rageant et décevant que les écarts sont marginaux », regrette Coralie Godard, infirmière en chirurgie gynécologique et élue CFDT au CSE. Les SMS et les multiples appels individuels n’ont pas suffi. « Il faudra faire preuve d’encore plus de pédagogie la prochaine fois », affirme Karine.

Les « journées adhérents », organisées quatre fois par an, s’inscrivent justement dans cette dynamique. « On doit faire comprendre aux adhérents que le vote aux élections se prépare dès maintenant. » Durant ces temps d’échange, la section aborde à la fois l’actualité nationale et celle de l’établissement. « Le bouche-à-oreille semble d’ailleurs fonctionner », savoure Coralie. Une petite dizaine de participants étaient là au lancement ; ce sont dorénavant une trentaine d’adhérents qui répondent présents.

« Nous devons aussi mieux cibler nos objectifs : en observant les résultats dans le détail, on a constaté que les personnels techniques se mobilisaient plus que la moyenne, mais que l’on peinait à obtenir leur confiance parce qu’ils ne se sentaient pas représentés. Nous devons nous implanter là où ça vote », poursuit Karine, qui s’est donc mise en quête de futurs candidats issus de ces services. Avec succès. « Maintenant, nous avons trois ans pour créer du lien et inverser la tendance. »

Des pratiques de proximité qui ont été repensées

Autre constat de l’équipe, le désintérêt marqué des soignants pour le scrutin. « Nous ne sommes pas suffisamment venus à leur rencontre. Jusqu’à récemment, chacun allait un peu où il voulait, reconnaît Karine. Il a fallu repenser et changer nos pratiques. » Aussitôt dit, aussitôt fait. La section a systématisé en 2023 les tournées de services. Un binôme – toujours le même – passe désormais une fois par mois a minima et visite les collègues de nuit tous les deux mois. Autre détail qui a son importance : les militants revêtent désormais leur tenue orange lorsqu’ils se déplacent. « Nous sommes passés de “on a vu les syndicats passer” à “la CFDT est venue nous voir” », explique Coralie.

Un repas convivial réunissait les membres de la section CFDT juste après “Le Grand Boost”, édition 2023…
Un repas convivial réunissait les membres de la section CFDT juste après “Le Grand Boost”, édition 2023…© DR

« Les collègues font confiance aux gens qui les rencontrent mais surtout à celles et ceux qui les revoient, insiste Corinne, agent administratif et secrétaire adjointe de la section. C’est comme ça que j’ai adhéré à la CFDT… Les collègues n’adhèrent pas pour le logo mais pour les collègues qu’ils connaissent. On a même plusieurs adhésions spontanées qui ont été enregistrées ces dernières semaines. Certains nous ont appelés parce qu’ils ont pris l’habitude de nos visites. Ce que l’on fait ne paye pas dans l’immédiat mais sur le long terme ! »

La section a également repensé ses outils. La communication, jusqu’en 2023 très uniforme, a été davantage ciblée et affinée. La section a produit un document plastifié détaillant la fiche de paie ainsi qu’une fiche permettant aux agents de calculer leur temps de travail. « Nous avons invité les collègues à venir nous voir dans notre local et nous avons pris le temps de leur décrypter leur bulletin de paie ligne par ligne », détaille Caroline Floury. Évidemment, la section assure un suivi particulier de ses adhérents et leur réserve la primeur de certains services, à l’instar de la simulation retraite. Autant de services appréciés par les collègues, auxquels viennent s’ajouter des petites attentions comme la distribution de chocolats à l’occasion des fêtes de Pâques ou de fin d’année.

Analyser et négocier sans imposer, la marque CFDT

À propos de l'auteur

Guillaume Lefèvre
Journaliste

Dans les semaines et mois à venir, la section a prévu de mettre plusieurs sujets sur la table des discussions : la mobilité interne, le télétravail (il va falloir bousculer les habitudes et tenter de lever les oppositions dans les services) ou encore les douze heures. Ce mode d’organisation du travail, bien que plébiscité par les agents, s’accompagne souvent d’un discours négatif. La CFDT s’est récemment démenée afin de conserver un « rythme classique » au sein du service neuro-réanimation, dans lequel « il y avait un risque de perdre des compétences ou de voir les arrêts maladie augmenter. Nous ne sommes là pour aller contre le souhait des agents mais pour leur rappeler les conséquences que cela peut avoir sur la santé et la fatigue physique », insiste Karine. Analyser et négocier. « C’est peut-être ça, notre différence ; on n’est pas là pour imposer nos idées mais pour discuter, comprendre, poursuit la militante. Rendez-vous en 2026, donc ! »