Face à l’impératif de l’équilibre budgétaire, le conflit des logiques

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iconeExtrait de l’hebdo n°3894

En mettant sur table une première ébauche de plan d’accord, le patronat a dévoilé ses ambitions, très éloignées d’une amélioration des droits des demandeurs d’emploi. À deux semaines de la date butoir, les organisations syndicales rappellent leurs exigences pour parvenir à un accord équilibré.

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 27/10/2023 à 10h50

De g. à dr. : Olivier Guivarch, secrétaire national, et Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la CFDT.
De g. à dr. : Olivier Guivarch, secrétaire national, et Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la CFDT.© Syndheb

Et le patronat est sorti du bois… Après six semaines de séances techniques, tous attendaient le premier projet de texte promis pour la fin octobre. Ce sera finalement un plan détaillé comprenant sept têtes de chapitres dans lequel « nous avons rappelé nos principes fondamentaux et les points sur lesquels nous faisons des ouvertures », résumait à l’issue de la séance le chef de file (Medef) de la délégation patronale, Hubert Mongon. Nous voilà donc entrés dans le dur.

La volonté du patronat d’obtenir dans cette négociation une baisse des cotisations employeur (actuellement de 4,05 %) n’était un secret pour personne. Dans le plan proposé, le patronat en fait un chapitre central et vise une baisse de 0,1 % – qui distinguerait la suppression de la surcotisation exceptionnelle de 0,05 % décidée en 2017 et une seconde baisse de 0 05 % –, ce qui permettrait ainsi de passer sous la barre des 4 %. Pas de quoi enthousiasmer les organisations syndicales, qui voient derrière la volonté patronale une baisse de ressources assez élevée (700 millions d’euros) ne répondant en rien à une amélioration pour les demandeurs d’emploi. « Quand le patronat annonce une baisse de cotisations, il faut trouver quelque chose en face pour garder une trajectoire équilibrée », résume Olivier Guivarch, chef de file CFDT, selon qui « les excédents doivent servir à améliorer les droits et corriger les effets des précédentes réformes ».

Mesures correctives en faveur des demandeurs d’emploi

1. Salaire journalier de référence.

Parmi les corrections prioritaires, la CFDT vise un meilleur accès à l’assurance chômage des primo-demandeurs d’emploi, en abaissant à quatre le nombre de mois d’activité minimale pour pouvoir être indemnisé (contre six depuis la réforme mise en place par l’exécutif en 2021). Cette mesure corrective, soutenue par plusieurs organisations syndicales, concernerait 25 000 personnes selon l’Unédic. Une autre solution consisterait à réviser l’assiette de calcul du SJR1 en réduisant le nombre maximal de jours non travaillés entre deux contrats de travail pris en compte dans le calcul de l’indemnisation.

« C’est très technique », concède Olivier Guivarch, mais une baisse du plafond de 75 % à 50 % concernerait 300 000 personnes qui verraient leur allocation revue à la hausse. Troisième piste : la suppression de la dégressivité appliquée aux plus hauts revenus, « une aberration », estime la CFE-CGC, puisque l’Unédic a démontré qu’elle n’avait pas d’impact positif sur le retour à l’emploi des personnes concernées. Quoi qu’il en soit, « une baisse des cotisations [employeur] ne saurait intervenir sans une amélioration réelle des droits des demandeurs d’emploi. La trajectoire financière imposée conditionnera également l’équilibre final de l’accord », rappelle la CFDT.

Deux “warnings”

Deux questions, qui touchent à l’indemnisation des salariés multi-employeurs (typiquement les assistantes maternelles) et au traitement de la filière seniors, restent également en suspens et constituent des « warnings » pour la CFDT. Sur ce dernier sujet, « la ligne de crête est très étroite. On a, d’une part, un document de cadrage qui nous demande de traiter ce sujet. Mais, d’autre part, le gouvernement sait également que l’on va négocier l’emploi des seniors de manière générale. Et on ne veut pas préempter ou parasiter la négociation future. »

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

Il va donc falloir trouver la bonne articulation pour discuter d’un calibrage financier tout en renvoyant le contenu des mesures à la future négociation seniors… mais le temps presse. Il ne reste en effet que deux séances (les 9 et 10 novembre) aux partenaires sociaux afin de trouver un accord équilibré et éviter une reprise en main par l’exécutif de la gestion de l’assurance chômage. Dans l’intervalle, des bilatérales ont été programmées avec chaque organisation syndicale pour amender et équilibrer le premier jet posé sur table lors de la séance du 25 octobre. Encore beaucoup de travail en perspective, donc, avant d’obtenir un accord en bonne et due forme.