“Il faut cesser la stigmatisation populiste des chômeurs”

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iconeExtrait de l’hebdo n°3912

Ensemble, les numéros un des cinq organisations syndicales représentatives prennent la plume pour redire leur opposition à l’acharnement d’un gouvernement qui, coûte que coûte, s’obstine à vouloir rogner les droits des plus précaires.

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 19/03/2024 à 13h00

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© Fred Marvaux/RÉA

1. Sophie Binet (CGT), Cyril Chabanier (CFTC), François Hommeril (CFE-CGC), Marylise Léon (CFDT) et Frédéric Souillot (FO).

« Quel est donc le problème avec les chômeurs ? », s’interrogent les responsables syndicaux1 à travers une tribune publiée le 18 mars dans le journal Le Monde. Alors que la négociation relative à l’assurance chômage s’est conclue par un accord à la mi-novembre 2023, le gouvernement veut une énième réforme (la cinquième depuis 2017) pour amoindrir encore les droits des demandeurs d’emploi. Les leaders des cinq organisations syndicales représentatives demandent solennellement au gouvernement de « cesser la stigmatisation populiste des chômeurs », tout en rappelant, en chiffres, les effets désastreux des réformes menées depuis 2019 : un montant moyen des allocations en baisse de 17 %, une durée d’indemnisation diminuée de 25 %. « Désormais, seuls 36 % des inscrits à France Travail (anciennement Pôle emploi) sont indemnisés […] 45 % des allocataires sont passés sous le seuil de pauvreté, en grande majorité des jeunes, des femmes à temps partiel ou des seniors en fin de droits, sur qui plane maintenant la menace de suppression de l’ASS », écrivent-ils.

Un marché de dupes

Dans cette même tribune, les organisations syndicales s’en prennent directement à la « contracyclicité » de l’assurance chômage, ce principe brandi par l’exécutif – et aujourd’hui totalement dévoyé au nom d’un retour à l’équilibre budgétaire. En effet, lorsqu’il impose la contracyclicité dans sa réforme de février 2023, le gouvernement vante « une mesure de bon sens » qui veut que quand la conjoncture économique s’améliore, on limite les droits des chômeurs ; et quand elle se dégrade, on améliore les droits. Alors que le chômage repart sensiblement à la hausse depuis quelques mois, la logique de contracyclicité semble échapper au gouvernement au profit d’un nouveau durcissement des règles d’indemnisation. « Les changements de pied du gouvernement seraient risibles si les conséquences humaines n’étaient pas si graves », assènent les responsables syndicaux, tout en dénonçant le marché de dupes auquel se livre l’exécutif. « Le but non assumé par le gouvernement est bien sûr de faire des économies – les baisses de droits déjà réalisées correspondent à 3 milliards d’euros d’économies par an –, pas de créer de l’emploi. »

Six millions de personnes en France

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

Et puisque la tendance est à parler de chiffres, les signataires de la tribune en rappellent un : six millions, soit le nombre d’hommes et de femmes sans emploi en France. « Six millions de salariés, dont nous pourrions tous être. Six millions de personnes qui ne se satisfont pas de leur situation, contrairement aux clichés si souvent véhiculés. S’il faut trouver des sources d’économies, conditionnons enfin les 200 milliards d’aides publiques dont bénéficient actuellement les entreprises, soit plus d’un tiers du budget de l’État, à plus de transparence sur leur utilisation et à des objectifs en matière d’emploi », écrivent-ils encore. Pour « renouer avec le pacte social, affronter la transition écologique et les enjeux de modernisation, il faut enfin investir dans la formation, les compétences et les qualifications. C’est sur ces enjeux importants que nous attendons le gouvernement », concluent-ils. Et non en cherchant à rogner de nouveau les droits des plus fragiles.